Inteview sur le site de Dupuis
YANN : Olivier avait envie d’exotisme après s’être tapé tout un album à Bruxelles et Paris, il avait besoin de grands espaces !
SCHWARTZ : On a voulu jouer avec les représentations de l’Afrique d’après-guerre, histoire de marquer un décalage.
YANN : Avec Spirou, on est dans l’humoristique. Le but est de
distraire tout en essayant au détour des cases d’aborder quelques sujets
plus importants. Ce qui m’intéressait c’était de parler de tout ce qui
tourne autour des fétiches, des sorciers. C’est à la fois effrayant et
pittoresque. Pendant qu’Olivier dessinait l’épisode précédent, j’ai eu le temps de beaucoup me documenter, de lire des livres très sérieux sur les rituels des fétichistes.
Olivier, comment avez-vous dessiné le Congo de cette époque ?
SCHWARTZ : Je ne suis pas allé sur place et j’ai peu utilisé de
documentation… Comme pour Bruxelles d’ailleurs. Je me suis inspiré de
quelques photos, mais pour l’essentiel, ce sont des pays rêvés. La
restitution doit beaucoup à l’imaginaire. Même s’il y a un fond de
réalisme, Spirou reste une série comique.
Il y a aussi toute une imagerie de l’Afrique coloniale. C’est ce que vous avez voulu rendre ?
SCHWARTZ : Je me suis posé quelques questions. Comment dessiner les
Noirs, par exemple ? Comme mes Blancs sont eux-mêmes caricaturaux, je
suis resté proche de clichés comme on en trouve dans la bande dessinée
franco-belge. Mais on n’est pas non plus dans les grosses lèvres rouges
des Noirs dans Tintin au Congo !
Vous faites justement intervenir de nouveaux personnages qui font
penser à ceux de Tintin au Congo. Le missionnaire qui accompagne Spirou,
ou Youma, le boy.
SCHWARTZ : Le prêtre, c’est vrai que ça y fait penser mais il agit
différemment, il est plus subtil et beaucoup plus olé olé ! Youma, c’est
un petit voyou des rues. Il est déluré et débrouillard. On ne sait pas
trop pourquoi il suit Fantasio. Il s’ennuie, peut-être ! Graphiquement,
je ne suis pas si éloigné que ça d’Hergé. Du coup ça ressemble, sauf que
le discours n’est pas du tout le même. Ça a un effet « papier
tue-mouches » pour les nostalgiques du colonialisme ! Ça les attire et
on les piège !
YANN : Pour le prêtre, en fait, on s’est inspiré d’un de nos amis,
Georges Lebouc, qui a traduit le premier tome en bruxellois ! Mais avec
la barbe blanche, c’est vrai qu’il y a une parenté avec le missionnaire
de Tintin. Pour Youma, je suis parti des shegués, ces orphelins qui
vivent dans les rues et qui se débrouillent en bandes. On trouve sur
Internet des petits films avec ces jeunes Congolais. J’en ai vu un où
ils bondissent sur une voiture et la pillent entièrement avant de
s’enfuir comme une volée de moineaux, laissant le conducteur furieux !
Ils évoquent davantage ces gosses des romans de Dickens au XIXe siècle
que le pauvre Coco de Tintin et la vision coloniale d’Hergé. Youma est
un gamin à la limite plus malin que Spirou et Fantasio !
Olivier, votre style de dessin ressemble aussi un peu à celui de
Chaland avec qui Yann avait fait un Spirou dans les années 1980. C’était
une demande de sa part ?
SCHWARTZ : Pas du tout. Tous mes albums sont dessinés comme ça, mais
c’est vrai que comme ça parle du Congo et de cette époque, on y pense.
D’autant que Yann s’est resservi du pays imaginaire qu’il avait utilisé
avec Chaland (l’Urogondolo, le pays des femmes léopards).
YANN : C’est un petit jeu avec le fantôme d’Yves. On avait commencé
ensemble cette histoire des femmes léopards. Je sais qu’il aurait aimé
que l’on continue.
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