Olivier accueille France 3 Pays de la Loire
par Eric Guillaud
Alors pourquoi ne pas avoir appelé cette aventure africaine "Spirou au
Congo", plutôt que " La Femme Léopard" ou "Le Maître des hosties
noires", titre du deuxième volet sorti en ce mois de mars ? Une très
bonne question, la première que nous avons posée au dessinateur Olivier
Schwartz qui, en guise de réponse, a fièrement extirpé de sa
bibliothèque l'édition bruxelloise de l'album (à droite sur la photo).
Surprise : la couverture reprend dans les grands traits celle de "Tintin
au Congo" et le titre est sans équivoque : "Spirou au Kongo Belche".
"En fait, je souhaitais appeler cette aventure Spirou et Fantasio au Congo mais Yann n'a pas voulu".
Reste donc cette singulière couverture de l'édition bruxelloise pour
témoigner aujourd'hui du clin d'oeil. À moins que ce ne soit un hommage
?
"C'est un peu tout ça à la fois et en même temps ce Spirou au Congo
est le contraire d'un Tintin au Congo. On le sait, le personnage de
Tintin a été créé par des gens plutôt conservateurs, très conservateurs
même, et Spirou lui a été imaginé dans un milieu proche de la tradition
des prêtres ouvriers. On est dans un clivage droite gauche finalement.
Notre Spirou à Yann et moi se passe dans les années 40, une époque où
les aventures de la série mère de Spirou ne collaient pas vraiment à
l'actualité, c'était encore assez comique au temps de Jijé et au début
de Franquin en 1946. On voyait les surplus de l'armée américaine dans
les bandes mais c'est tout, le contexte était simplement suggéré. Nous,
avec le recul, on peut montrer ce qui était important à l'époque, sans
risque."
Dans son atelier rezéen, quelques planches ou couvertures originales
décorent les murs blancs, des recherches graphiques au dessus de sa
table de travail pour quelques projets actuels ou futurs, plus loin des
BD et livres de documentation, le tirage de tête de son nouvel album "Le
Maître des hosties noires" et en très bonne place une splendide
reproduction de la DS de Fantasio signée Michel Aroutcheff. Aucun
croquis de Tintin à l'horizon !
Reprendre Tintin, tu en rêves ?
"Oui bien sûr mais il y a des rêves
qu'il vaut mieux laisser à l'état de rêves. Et puis, si j'e faisais
partie des ayants droits d'Hergé, je pense que j'essaierais de trouver
un dessinateur proche de son trait. Moi, ça ne ressemble pas vraiment à
du Hergé, c'est trop rond, trop souple"
Tu as dit récemment dans une interview que Tintin représentait pour toi la perfection et Spirou, l'approximation.
"C'est
méchant, il y a des Spirou qui valent largement un Tintin, ceux de
Franquin bien sûr mais aussi celui de Bravo qui est très très fort. Et
puis chez Yoann et Vehlmann, il y a des choses vraiment intéressantes.
J'adore aussi le travail d'Alec Severin qui est un ami".
Ses influences ? Hergé bien sûr mais pas que. Chaland, Franquin, Jijé,
Jacobs, Giraud, Tillieux, Peyo... et surtout Jack Kirby ont également
nourri son art.
"Très jeune j'ai adoré Jack Kirby, je reconnaissais
tout de suite son trait mais c'est Sempé qui m'a donné envie de faire de
la bande dessinée. Il passait alors dans un journal, Paris-Match
peut-être. Et puis j'ai lu très tôt Pilote, Spirou bien sûr vers l'âge
de 13 ans, j'ai adoré Franquin. En ce qui concerne la ligne claire, je
ne suis pas sûr d'être plus dans la ligne claire que Jack Kirby dans les
années 60. Moi je mets des noirs, je mets des ombres. Après, tout se
tient, les uns inspirent les autres, la bande dessinée est une grande
famille. Et quand tu aimes un auteur, il est en toi. Chaland a eu les
mêmes influences que moi, c'est pour ça qu'on est finalement si
proches".
Mickey, Lucky Luke, Blake et Mortimer, Bob Morane, Michel Vaillant... Que penses-tu de toutes ces reprises ?
"j'y
suis extrêmement favorable. Et j'apprécie fortement quand un éditeur
confie un héros à un auteur qui a déjà fait ses preuves par ailleurs et
qui montre des ficelles, des cordes qu'on ne lui connaissait pas à son
arc. Du coup on peut adhérer à un auteur qu'on détestait ou du moins
qu'on méconnaissait. Exemple : j'adore Cosey... depuis son Mickey. Je
n'avais jamais lu jusque là un de ses livres, je crois que je vais
aujourd'hui acheter tout ce qu'il a produit".
Et reprendre la série mère de Spirou ?
"C'est impossible pour moi,
les aventures de Spirou se déroulent à notre époque et je suis
incapable, Yann le dit en tout cas, de dessiner un univers contemporain.
Je suis condamné, je crois, à des univers à l'ancienne comme dans "Les
enquêtes de l'inspecteur Bayard" qui se déroulaient pourtant de nos
jours mais qui respiraient les années 40/50".
Connu et reconnu pour son style inspiré de la ligne claire tendance
Chaland, Olivier Schwartz a développé au fil des albums et notamment des
18 volets de la série "Les enquêtes de l'inspecteur Bayard" parus chez
Bayard Presse un univers bien à lui alliant un trait résolument moderne
et des atmosphères à l'ancienne, un brin surannées, qui nous ramènent
vers les années 40/50.
Yann/Schwartz, c'est un bon tandem ?
"Oui, on s'amuse beaucoup. Je
suis très heureux d'avoir écrit ces récits de Spirou hors série même si,
c'est vrai, j'étais parti pour reprendre Gil Jourdan qui est plus
proche de ce que j'aime. À chaque album, j'ai eu
l'impression d'apprendre énormément. Mais un album, ça ne se fait pas
comme ça. Pour écrire un livre, on se réunit, on lance des idées, je
dessine, il renchérit, je redessine.... Et puis chacun repart de son
côté. Une fois qu'il a fait son scénario, je ne discute plus. Je
respecte son travail".
L'Afrique tu connais ?
"L'Afrique noire, non. Nous avons fait un
mix entre nos souvenirs de lecture et ce qu'on voit, ce qu'on connaît,
d'elle aujourd'hui. Ce n'est pas évident de traiter de l'Afrique parce
qu'on est vite suspecté de tas de choses mais je n'ai pas peur. Je n'ai
pas peur parce que je sais ce que je pense et je crois savoir ce que
pense Yann. Bien sûr, j'avais un peu peur que l'histoire fasse
trop cliché. Au final d'ailleurs, elle fait cliché mais c'est ça qui est
amusant et c'est du Spirou".
Des projets?
"On travaille sur une nouvelle série avec Yann mais je
ne peux rien dévoiler... Et j'ai aussi d'autres projets dans ma tête
mais c'est pareil...".
Même sous la torture ?
"Impossible..."
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